La question de la fiscalité du Plan d’Épargne Retraite (PER) dans un contexte de mobilité internationale constitue un défi majeur pour les expatriés, les impatriés et leurs conseillers. Entre conventions fiscales, règles de territorialité et spécificités du PER, naviguer dans ce labyrinthe fiscal requiert une compréhension approfondie des mécanismes en jeu. Ce produit d’épargne, introduit par la loi PACTE en 2019, présente des caractéristiques fiscales particulières qui se complexifient davantage lors des déplacements transfrontaliers. Comment optimiser sa stratégie d’épargne-retraite lorsqu’on change de résidence fiscale? Quels sont les pièges à éviter? Cet examen détaillé propose d’éclairer les zones d’ombre de cette thématique souvent négligée mais fondamentale pour une gestion patrimoniale internationale efficace.
Fondamentaux du PER et principes fiscaux applicables
Le Plan d’Épargne Retraite représente une évolution significative dans le paysage de l’épargne-retraite française. Créé par la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises), ce dispositif unifie les anciens produits d’épargne-retraite sous un cadre harmonisé. Le PER se décline en trois versions: le PER individuel (successeur du PERP et du contrat Madelin), le PER d’entreprise collectif (remplaçant le PERCO) et le PER d’entreprise obligatoire (successeur de l’article 83).
L’attrait principal du PER réside dans son régime fiscal avantageux. Les versements volontaires sont déductibles du revenu imposable, dans la limite des plafonds fixés par l’article 163 quatervicies du Code général des impôts. Pour les salariés, ce plafond s’élève à 10% des revenus professionnels de l’année précédente, limité à huit fois le Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS). Pour les indépendants, la limite atteint 10% du PASS augmenté de 15% de la fraction du bénéfice comprise entre un et huit PASS.
À la sortie, la fiscalité varie selon la nature des sommes et le mode de déblocage choisi. Les versements volontaires ayant bénéficié d’une déduction fiscale sont, en cas de sortie en capital, soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu pour la part correspondant aux versements, tandis que les gains sont assujettis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30%. En cas de sortie en rente viagère, celle-ci est imposée selon le régime des rentes viagères à titre gratuit (RVTG).
Critères de résidence fiscale et territorialité de l’impôt
La mobilité internationale soulève immédiatement la question de la résidence fiscale. En droit fiscal français, l’article 4 B du Code général des impôts définit comme résident fiscal français toute personne qui remplit l’un des critères suivants:
- Avoir en France son foyer d’habitation permanent ou son lieu de séjour principal
- Exercer en France une activité professionnelle principale
- Avoir en France le centre de ses intérêts économiques
La perte de la résidence fiscale française entraîne des conséquences majeures sur la fiscalité du PER. Le contribuable devient alors soumis au principe de territorialité, selon lequel la France n’impose que les revenus de source française des non-résidents. Toutefois, les conventions fiscales internationales peuvent modifier ces règles générales et prévoir des dispositions spécifiques concernant l’imposition des produits d’épargne-retraite.
Pour les détenteurs de PER en situation de mobilité internationale, la problématique fiscale se pose à trois moments distincts: lors des versements, pendant la phase de capitalisation, et au moment du déblocage des fonds. Chacune de ces phases obéit à des règles fiscales différentes qui peuvent varier selon le pays de résidence et les conventions applicables.
La jurisprudence et la doctrine administrative ont progressivement clarifié certains aspects de cette fiscalité complexe, notamment à travers plusieurs rescrits et décisions du Conseil d’État. Ces précisions sont d’autant plus précieuses que les textes législatifs n’abordent pas explicitement toutes les situations internationales pouvant affecter la fiscalité du PER.
Le traitement fiscal des versements sur un PER en cas d’expatriation
L’expatriation soulève des questions spécifiques concernant la déductibilité fiscale des versements sur un PER. Le principe général veut que seuls les contribuables fiscalement domiciliés en France puissent bénéficier de l’avantage fiscal lié aux versements volontaires. Cette règle découle directement de l’article 4 A du Code général des impôts, qui soumet à l’impôt sur le revenu l’ensemble des revenus des personnes ayant leur domicile fiscal en France.
Lorsqu’un détenteur de PER s’expatrie, il perd généralement la possibilité de déduire de son revenu imposable en France les nouveaux versements effectués sur son plan. Cette situation s’explique par le fait que le non-résident n’est plus soumis à l’impôt français sur ses revenus mondiaux, mais uniquement sur ses revenus de source française, conformément à l’article 164 B du CGI.
Toutefois, des nuances existent pour certaines catégories d’expatriés. Les personnes qui conservent des revenus de source française imposables dans l’Hexagone peuvent, dans certaines conditions, continuer à bénéficier partiellement de la déduction fiscale. L’article 163 quatervicies II du CGI prévoit en effet que les contribuables qui n’ont pas leur domicile fiscal en France mais qui perçoivent des revenus de source française peuvent déduire leurs versements sur un PER dans la limite de ces revenus.
Le cas particulier des frontaliers et des conventions fiscales
Les travailleurs frontaliers constituent une catégorie spécifique dont le traitement fiscal dépend largement des conventions fiscales bilatérales. Par exemple, la convention franco-suisse prévoit que certains frontaliers travaillant en Suisse mais résidant en France sont imposables en France sur leurs revenus d’activité suisses. Dans ce cas, ils peuvent déduire leurs versements sur un PER français selon les règles de droit commun.
À l’inverse, les frontaliers imposés dans le pays d’activité et non en France ne peuvent généralement pas bénéficier de la déduction fiscale française pour leurs versements sur un PER. Cette situation concerne notamment les frontaliers travaillant au Luxembourg ou en Allemagne, pays avec lesquels les conventions fiscales prévoient une imposition dans l’État d’activité.
Il convient de souligner que certaines conventions fiscales contiennent des dispositions spécifiques concernant les produits d’épargne-retraite. La convention franco-britannique, par exemple, comporte un article dédié aux pensions qui peut influencer le traitement fiscal des versements sur des produits assimilables au PER.
Stratégies d’optimisation pour les expatriés
Face à ces contraintes, plusieurs stratégies s’offrent aux expatriés détenteurs de PER:
- Effectuer des versements importants avant le départ de France pour maximiser l’avantage fiscal
- Explorer les dispositifs d’épargne-retraite du pays d’accueil et leurs avantages fiscaux
- Envisager un transfert vers des produits locaux équivalents, lorsque les législations le permettent
L’année de départ à l’étranger mérite une attention particulière. En effet, le contribuable qui quitte la France en cours d’année conserve sa qualité de résident fiscal français jusqu’à la date de son départ. Il peut donc déduire les versements effectués sur son PER pendant cette période, au prorata de sa durée de résidence fiscale en France.
La Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) a précisé dans plusieurs rescrits les modalités pratiques de cette déduction au prorata temporis. Le calcul s’effectue généralement en fonction du nombre de jours de résidence fiscale en France par rapport à l’année complète.
Pour les contribuables conservant des intérêts économiques significatifs en France sans y être fiscalement domiciliés, l’option pour l’imposition au barème progressif sur l’ensemble de leurs revenus de source française (article 197 A du CGI) peut parfois permettre d’optimiser la déductibilité des versements sur un PER.
L’imposition des déblocages de PER pour les non-résidents
La phase de déblocage d’un PER constitue un moment critique sur le plan fiscal, particulièrement pour les non-résidents. Le principe général veut que la France conserve un droit d’imposition sur les produits d’épargne-retraite constitués pendant une période de résidence fiscale française, même si le bénéficiaire réside à l’étranger au moment du déblocage.
Pour les sorties en capital, l’administration fiscale distingue la part correspondant aux versements de celle relative aux produits (gains). La part des versements ayant bénéficié d’une déduction fiscale à l’entrée est soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu, avec application d’un taux minimum de 20% (ou 30% au-delà d’un certain seuil), conformément à l’article 197 A du CGI. Les produits, quant à eux, sont assujettis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 12,8%, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 17,2% si le bénéficiaire réside dans un État de l’Union Européenne, ou uniquement la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux global de 9,7% s’il réside dans un État tiers.
Pour les sorties en rente viagère, le régime d’imposition dépend de la qualification fiscale de la rente. Si les versements ont bénéficié d’une déduction fiscale, la rente est imposée comme une rente viagère à titre gratuit (RVTG), c’est-à-dire soumise au barème progressif après un abattement de 10%. Pour les non-résidents, cette imposition s’effectue avec application du taux minimum de 20% ou 30%, sous réserve des conventions fiscales.
L’impact des conventions fiscales internationales
Les conventions fiscales bilatérales peuvent modifier substantiellement le régime d’imposition des déblocages de PER. La plupart des conventions suivent le modèle OCDE, dont l’article 18 prévoit généralement que les pensions sont imposables exclusivement dans l’État de résidence du bénéficiaire. Toutefois, certaines conventions attribuent un droit d’imposition partagé entre l’État de résidence et l’État source de la pension.
La qualification des sommes issues d’un PER au regard des conventions fiscales fait l’objet de débats. L’administration fiscale française tend à considérer que les sorties en capital ne constituent pas des pensions au sens des conventions, mais des revenus d’épargne, ce qui lui permet de maintenir son droit d’imposition. Cette position a été confirmée dans plusieurs rescrits, notamment concernant les anciens produits d’épargne-retraite (PERP, Madelin).
À titre d’exemple, la convention franco-belge prévoit que les pensions sont imposables uniquement dans l’État de résidence du bénéficiaire, ce qui pourrait permettre à un résident belge de n’être imposé qu’en Belgique sur les rentes issues de son PER français. En revanche, la convention franco-suisse attribue un droit d’imposition partagé pour certaines catégories de pensions.
Les juges fiscaux ont eu l’occasion de se prononcer sur ces questions dans plusieurs arrêts, notamment concernant la qualification des produits d’épargne-retraite au regard des conventions fiscales. Ces décisions constituent une source précieuse pour déterminer le traitement fiscal applicable dans les situations transfrontalières.
Cas pratiques et jurisprudence
Un arrêt notable du Conseil d’État (CE, 17 juillet 2013, n°361820) a précisé que les sommes issues d’un PERP (prédécesseur du PER) pouvaient être qualifiées de pensions au sens de certaines conventions fiscales, notamment lorsqu’elles étaient versées sous forme de rente viagère. Cette jurisprudence pourrait être transposable au PER.
Plus récemment, la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 20 février 2020, n°18PA02306) a jugé que les sommes perçues en capital à l’échéance d’un contrat d’épargne-retraite ne constituaient pas une pension au sens de la convention franco-portugaise, et demeuraient donc imposables en France malgré la résidence fiscale portugaise du bénéficiaire.
Ces décisions illustrent la complexité du sujet et l’importance d’une analyse au cas par cas, prenant en compte non seulement la convention fiscale applicable, mais aussi la nature précise des sommes perçues (capital ou rente) et les caractéristiques du produit d’épargne concerné.
Le sort du PER en cas d’impatriation en France
L’impatriation, c’est-à-dire l’installation en France d’une personne précédemment résidente fiscale à l’étranger, soulève des questions spécifiques concernant les produits d’épargne-retraite constitués avant l’arrivée sur le territoire français. Pour les détenteurs de produits étrangers similaires au PER français, plusieurs problématiques se posent.
Tout d’abord, la reconnaissance fiscale du produit étranger constitue un enjeu majeur. Le droit fiscal français ne prévoit pas explicitement l’équivalence entre le PER et les produits d’épargne-retraite étrangers. Cette absence d’équivalence automatique peut entraîner des conséquences défavorables, notamment l’impossibilité de bénéficier du régime fiscal avantageux du PER pour les produits constitués à l’étranger.
Néanmoins, certains produits étrangers peuvent présenter des similitudes avec le PER français, comme les Individual Retirement Accounts (IRA) américains, les Registered Retirement Savings Plans (RRSP) canadiens ou encore les Personal Pension Plans britanniques. La question de leur traitement fiscal en France reste largement tributaire de l’interprétation administrative et de la jurisprudence.
L’administration fiscale française a parfois reconnu des équivalences partielles dans des rescrits spécifiques, mais aucune doctrine générale n’a été établie à ce jour. Cette situation crée une insécurité juridique pour les impatriés détenteurs de produits d’épargne-retraite étrangers.
Transfert de produits étrangers vers un PER français
La possibilité de transférer des produits d’épargne-retraite étrangers vers un PER français reste limitée. La législation française ne prévoit pas expressément cette faculté, contrairement aux transferts entre produits français qui sont explicitement encadrés par la loi PACTE.
Dans certains cas, des mécanismes de transfert peuvent exister dans le cadre de directives européennes ou d’accords bilatéraux spécifiques. Par exemple, la directive 2014/50/UE relative aux droits à pension complémentaire facilite la portabilité des droits pour les travailleurs mobiles au sein de l’Union Européenne, mais son champ d’application reste limité aux régimes professionnels.
En l’absence de cadre légal spécifique, les impatriés souhaitant rapatrier leur épargne-retraite étrangère vers un PER français doivent généralement procéder à une liquidation de leur produit étranger, puis à un réinvestissement en France. Cette opération peut engendrer des conséquences fiscales importantes dans les deux pays concernés:
- Imposition potentielle dans le pays d’origine lors de la liquidation anticipée
- Non-reconnaissance en France du caractère d’épargne-retraite des sommes transférées
- Double imposition en l’absence de mécanisme d’élimination adapté
Régime fiscal des versements pour les impatriés
Une fois établis en France, les impatriés peuvent souscrire un PER français et bénéficier du régime fiscal de droit commun pour leurs nouveaux versements. L’article 163 quatervicies du CGI s’applique dès lors qu’ils acquièrent la qualité de résident fiscal français, sans condition de durée préalable de résidence.
Les impatriés bénéficiant du régime spécial prévu par l’article 155 B du CGI (exonération partielle de la rémunération liée à l’impatriation) peuvent également profiter de la déduction fiscale des versements sur un PER. Toutefois, le calcul du plafond de déduction peut s’avérer complexe, notamment concernant la prise en compte ou non des suppléments de rémunération liés à l’impatriation dans l’assiette de calcul.
La Direction Générale des Finances Publiques a apporté des précisions sur ce point dans plusieurs rescrits, confirmant généralement que les suppléments de rémunération exonérés ne sont pas pris en compte pour le calcul du plafond de déduction des versements sur un PER.
Pour les impatriés conservant des produits d’épargne-retraite dans leur pays d’origine, la question de la déductibilité des versements complémentaires sur ces produits étrangers se pose. En principe, seuls les versements sur des produits français bénéficient de la déduction fiscale prévue par la législation française. Toutefois, la jurisprudence européenne, notamment l’arrêt Commission contre Danemark (CJUE, 30 janvier 2007, C-150/04), pourrait justifier une extension de cet avantage fiscal aux produits européens équivalents, sur le fondement de la libre circulation des capitaux.
Stratégies d’optimisation fiscale du PER dans un contexte international
La dimension internationale ajoute une couche de complexité à la gestion du Plan d’Épargne Retraite, mais offre simultanément des opportunités d’optimisation fiscale pour les contribuables avisés. Une planification rigoureuse permet d’exploiter les différences entre les systèmes fiscaux et de tirer parti des dispositions conventionnelles.
La première stratégie consiste à synchroniser judicieusement les phases de versement et de déblocage avec les changements de résidence fiscale. Idéalement, les versements devraient être effectués pendant les périodes de résidence dans un pays où ils génèrent un avantage fiscal maximal, tandis que les déblocages gagneraient à intervenir lors de la résidence dans un État appliquant une fiscalité allégée sur ce type de revenus.
Par exemple, un contribuable pourrait maximiser ses versements déductibles pendant sa période d’activité en France, puis envisager un déblocage après avoir établi sa résidence fiscale dans un pays comme le Portugal, qui offre sous certaines conditions un régime fiscal avantageux aux retraités étrangers via le statut de Résident Non Habituel (RNH).
Cette approche nécessite toutefois une analyse approfondie des conventions fiscales applicables. Certaines conventions, comme la convention franco-portugaise récemment modifiée, ont restreint les possibilités d’optimisation en attribuant un droit d’imposition à l’État source pour certaines catégories de revenus.
Optimisation par le choix du mode de sortie
Le PER offre une flexibilité appréciable quant aux modalités de déblocage: capital, rente viagère, ou une combinaison des deux. Dans un contexte international, ce choix revêt une importance stratégique majeure.
La sortie en capital peut s’avérer avantageuse lorsque le bénéficiaire réside dans un pays qui, par convention, exonère les capitaux reçus au titre de l’épargne-retraite ou leur applique une fiscalité réduite. À l’inverse, la sortie en rente peut être privilégiée lorsque la convention fiscale applicable qualifie clairement ces revenus de pensions et les soumet à une imposition exclusive dans l’État de résidence fiscalement avantageux.
Pour les non-résidents, l’option pour l’application du taux moyen d’imposition prévu par l’article 197 A du CGI peut constituer une alternative intéressante au taux minimum de 20% ou 30%. Cette option permet d’appliquer le taux qui résulterait de l’imposition de l’ensemble des revenus mondiaux du contribuable selon le barème progressif français, s’il s’avère inférieur au taux minimum.
À titre d’illustration, un retraité disposant de revenus modestes et résidant dans un pays à fiscalité élevée pourrait bénéficier, grâce à cette option, d’un taux d’imposition français significativement inférieur au taux minimum de 20%.
Utilisation des mécanismes conventionnels et européens
L’exploitation des dispositions conventionnelles constitue un levier d’optimisation incontournable. Certaines conventions fiscales contiennent des clauses spécifiques concernant les produits d’épargne-retraite qui peuvent s’avérer favorables.
Par exemple, la convention franco-suisse prévoit que les pensions privées sont imposables uniquement dans l’État de résidence du bénéficiaire, sauf si elles sont versées au titre d’une activité salariée antérieure exercée dans l’autre État et si le bénéficiaire possède la nationalité de cet autre État sans avoir celle du premier État.
Le droit européen offre également des perspectives intéressantes. La Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu plusieurs arrêts concernant la fiscalité de l’épargne-retraite transfrontalière, notamment les affaires Bachmann (C-204/90) et Commission contre Belgique (C-522/04). Ces décisions tendent à limiter les discriminations fiscales entre produits nationaux et produits souscrits dans d’autres États membres, sur le fondement des libertés fondamentales garanties par le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE).
S’appuyant sur cette jurisprudence, un contribuable pourrait contester le refus de l’administration fiscale d’accorder les mêmes avantages fiscaux à un produit d’épargne-retraite souscrit dans un autre État membre qu’à un PER français, à condition que ce produit présente des caractéristiques comparables.
Planification successorale internationale
La dimension successorale du PER mérite une attention particulière dans un contexte international. En cas de décès du titulaire, les sommes épargnées sur un PER sont transmises aux bénéficiaires désignés selon des modalités fiscales spécifiques.
Pour les versements volontaires et les gains associés, les capitaux transmis aux bénéficiaires sont soumis aux droits de succession dans les conditions de droit commun, après application éventuelle des abattements prévus notamment à l’article 779 du CGI. En revanche, les sommes issues de l’épargne salariale (intéressement, participation, abondement) échappent aux droits de succession, mais restent soumises aux prélèvements sociaux.
Dans un contexte international, la détermination de la loi applicable en matière successorale et fiscale peut s’avérer complexe. Le Règlement européen sur les successions (n°650/2012) harmonise les règles de conflit de lois au sein de l’Union Européenne, mais n’aborde pas les aspects fiscaux, qui demeurent régis par les législations nationales et les conventions fiscales bilatérales.
Une planification successorale efficace implique donc d’anticiper les conséquences fiscales du décès dans les différents pays concernés et d’organiser la désignation des bénéficiaires en conséquence, en tenant compte des particularités du PER et des règles de territorialité applicables en matière de droits de succession.
Perspectives et évolutions attendues pour la fiscalité internationale du PER
La fiscalité internationale du Plan d’Épargne Retraite s’inscrit dans un environnement juridique en constante évolution. Les tendances récentes permettent d’entrevoir plusieurs développements susceptibles d’influencer la gestion transfrontalière de ce produit d’épargne-retraite.
La première évolution notable concerne la renégociation progressive des conventions fiscales bilatérales. La France a engagé un mouvement de modernisation de son réseau conventionnel, avec notamment la modification récente des conventions franco-luxembourgeoise et franco-belge. Ces révisions tendent à limiter certaines opportunités d’optimisation fiscale, notamment en renforçant les droits d’imposition de l’État source pour les revenus de l’épargne-retraite.
Cette tendance s’inscrit dans un contexte international marqué par le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l’OCDE, qui vise à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Bien que principalement orienté vers la fiscalité des entreprises, ce projet influence l’approche générale des États en matière de coopération fiscale internationale.
Par ailleurs, l’Union Européenne poursuit ses efforts d’harmonisation dans le domaine de l’épargne-retraite. Le Produit Paneuropéen d’Épargne-Retraite Individuelle (PEPP), institué par le règlement UE 2019/1238, illustre cette ambition. Ce produit standardisé, conçu pour être portable d’un État membre à l’autre, pourrait à terme faciliter la gestion de l’épargne-retraite des citoyens européens mobiles.
Évolutions technologiques et transparence fiscale
La digitalisation de l’administration fiscale et le développement des échanges automatiques d’informations transforment profondément le paysage de la fiscalité internationale. L’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, mis en œuvre dans le cadre de la norme commune de déclaration (NCD) de l’OCDE, assure une transparence accrue concernant les avoirs détenus à l’étranger.
Pour les détenteurs de PER en situation de mobilité internationale, ces évolutions impliquent une vigilance renforcée quant au respect des obligations déclaratives dans les différents pays concernés. La non-déclaration d’un PER français par un contribuable résidant à l’étranger, ou inversement d’un produit d’épargne-retraite étranger par un résident français, peut désormais être facilement détectée par les administrations fiscales.
Cette transparence accrue s’accompagne d’un renforcement des sanctions en cas de manquement aux obligations déclaratives. L’article 1649 AD du CGI, introduit par la loi de finances pour 2019, prévoit ainsi une amende spécifique pour défaut de déclaration des contrats d’assurance-vie et produits assimilés souscrits à l’étranger.
Dans ce contexte, les professionnels du conseil patrimonial international doivent intégrer ces nouvelles contraintes dans leurs recommandations et privilégier des stratégies d’optimisation fiscale robustes, fondées sur une interprétation rigoureuse des textes en vigueur plutôt que sur l’opacité.
Vers une harmonisation des régimes d’épargne-retraite?
La question de l’harmonisation des régimes d’épargne-retraite au niveau européen ou international reste ouverte. Si le PEPP constitue une avancée notable, il ne remplace pas les produits nationaux existants et n’harmonise pas leur traitement fiscal, qui demeure une prérogative des États membres.
La Commission européenne a toutefois manifesté son intérêt pour une meilleure coordination des politiques fiscales en matière d’épargne-retraite, notamment pour éviter les situations de double imposition ou de non-imposition qui peuvent résulter de la mobilité des travailleurs au sein du marché unique.
Une évolution possible pourrait consister en l’émergence d’un cadre fiscal minimal commun pour les produits d’épargne-retraite européens, garantissant une forme de neutralité fiscale lors des transferts transfrontaliers et une reconnaissance mutuelle des avantages fiscaux accordés par les différents États membres.
À plus long terme, l’intégration croissante des marchés financiers et la mobilité accrue des personnes pourraient conduire à une refonte plus profonde de la fiscalité de l’épargne-retraite, privilégiant une approche fondée sur le parcours global du contribuable plutôt que sur une succession de statuts fiscaux nationaux distincts.
Pour les détenteurs de PER confrontés à des situations de mobilité internationale, ces perspectives invitent à une gestion dynamique de leur épargne-retraite, attentive aux évolutions réglementaires et prête à s’adapter aux nouvelles opportunités qui pourraient émerger d’un cadre fiscal progressivement harmonisé.
