L’année 2024 marque un tournant significatif dans le paysage fiscal français avec des modifications substantielles qui affectent directement le portefeuille des contribuables. Entre ajustements du barème de l’impôt sur le revenu, évolutions des niches fiscales et nouvelles obligations déclaratives, cette réforme fiscale redessine les contours de la relation entre les Français et l’administration fiscale. Ces changements, inscrits dans la loi de finances 2024, visent une modernisation du système tout en répondant aux défis économiques actuels. Voici un décryptage précis des transformations qui impactent votre fiscalité personnelle.
Réindexation du barème et nouveaux taux d’imposition
La revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu constitue l’une des mesures phares de cette année fiscale. Face à une inflation de 4,8% en 2023, le législateur a acté une indexation de 4,8% des tranches du barème progressif. Cette décision technique évite l’effet pervers d’une hausse mécanique de l’impôt qui aurait pénalisé les contribuables dont les revenus ont simplement suivi l’inflation.
Concrètement, les seuils d’entrée dans chaque tranche sont relevés. Pour les revenus 2023 déclarés en 2024, le barème s’établit comme suit:
- Tranche à 0% jusqu’à 11 294 € (contre 10 777 € précédemment)
- Tranche à 11% de 11 294 € à 28 797 € (contre 27 478 € précédemment)
- Tranche à 30% de 28 797 € à 82 341 € (contre 78 570 € précédemment)
- Tranche à 41% de 82 341 € à 177 106 € (contre 168 994 € précédemment)
- Tranche à 45% au-delà de 177 106 € (contre 168 994 € précédemment)
Cette révision du barème s’accompagne d’un ajustement des seuils du quotient familial. Le plafonnement général des effets du quotient familial est porté à 1 747 € par demi-part fiscale (contre 1 678 € auparavant). Pour une personne seule avec un enfant, le plafond de l’avantage fiscal lié à la première demi-part est désormais fixé à 4 149 € (contre 3 959 € précédemment).
Le mécanisme de décote, qui réduit l’impôt des foyers modestes, évolue parallèlement. Son seuil d’application est relevé à 1 840 € pour les célibataires et 3 045 € pour les couples, contre respectivement 1 756 € et 2 901 € en 2023. La formule de calcul reste inchangée, mais ce relèvement permet à davantage de contribuables d’en bénéficier.
Ces modifications du barème produisent des effets variables selon les profils. Un célibataire percevant un salaire mensuel de 2 500 € verra son impôt diminuer d’environ 112 € sur l’année. Pour un couple avec deux enfants et des revenus mensuels cumulés de 5 000 €, l’économie s’élèvera à approximativement 225 €. Ces montants, bien que modestes, représentent un gain de pouvoir d’achat non négligeable dans un contexte inflationniste persistant.
Transformation des crédits et réductions d’impôt
L’arsenal des dispositifs fiscaux incitatifs connaît cette année plusieurs évolutions majeures. Le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile reste maintenu à 50% des dépenses engagées, mais son plafond annuel est désormais modulé selon la composition familiale. Il s’établit à 12 000 € pour une personne seule, majoré de 1 500 € par enfant à charge, dans la limite totale de 15 000 €. Les personnes handicapées et les contribuables de plus de 65 ans bénéficient d’un plafond rehaussé à 20 000 €.
Le dispositif Pinel poursuit sa trajectoire d’extinction progressive. Pour les investissements réalisés en 2024, les taux de réduction d’impôt sont abaissés à 9% pour un engagement de location de 6 ans, 12% pour 9 ans et 14% pour 12 ans, contre respectivement 10,5%, 15% et 17,5% en 2023. Ce dispositif prendra définitivement fin le 31 décembre 2024, sauf pour les logements situés dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
La réduction d’impôt Denormandie, applicable aux investissements dans l’ancien avec travaux, est prorogée jusqu’au 31 décembre 2024, mais avec des taux alignés sur ceux du Pinel. Ce dispositif concerne les logements situés dans les communes bénéficiant du programme Action Cœur de Ville ou ayant signé une convention d’opération de revitalisation du territoire.
La réduction d’impôt Malraux pour les investissements dans la restauration immobilière est reconduite jusqu’au 31 décembre 2025. Son taux reste fixé à 30% des dépenses éligibles pour les immeubles situés en secteur sauvegardé ou dans un quartier ancien dégradé, et à 22% pour les immeubles situés en zone de protection du patrimoine architectural.
Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) a définitivement disparu au profit de MaPrimeRénov’. Cette dernière connaît des ajustements significatifs en 2024 avec une revalorisation des montants alloués aux rénovations d’ensemble et un recentrage sur les rénovations performantes. Le budget alloué à ce dispositif atteint 4 milliards d’euros, témoignant de l’engagement gouvernemental en faveur de la rénovation énergétique.
Ces transformations des mécanismes de défiscalisation imposent une révision des stratégies patrimoniales pour les contribuables. L’extinction programmée de certains dispositifs historiques pousse à anticiper les investissements ou à explorer des alternatives fiscalement avantageuses comme l’investissement en SCPI fiscales ou en nue-propriété.
Évolutions de la fiscalité du patrimoine et de l’épargne
La fiscalité applicable au patrimoine et aux revenus de l’épargne connaît des ajustements notables en 2024. L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) voit son seuil d’imposition maintenu à 1,3 million d’euros, mais son barème est revalorisé de 4,8% pour tenir compte de l’inflation. Cette mesure technique limite l’effet d’une hausse de la valeur nominale des biens immobiliers sur la pression fiscale.
Les abattements en matière de droits de succession restent inchangés à 100 000 € par enfant et par parent, mais la loi de finances pour 2024 introduit une mesure favorable pour les transmissions anticipées. Désormais, le délai de rappel fiscal des donations antérieures est réduit de 15 à 10 ans pour les donations consenties à compter du 1er juillet 2024, dans la limite d’un montant cumulé de 100 000 € par donateur. Cette disposition vise à fluidifier la circulation du patrimoine entre générations.
La fiscalité de l’assurance-vie demeure stable avec le maintien du prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30% pour les versements supérieurs à 150 000 € et des taux réduits pour les contrats de plus de 8 ans (7,5% ou 12,8% selon les montants). L’abattement annuel de 4 600 € pour un célibataire et 9 200 € pour un couple marié ou pacsé reste applicable aux intérêts des contrats de plus de 8 ans.
Le plan d’épargne retraite (PER) connaît un ajustement technique de son régime fiscal. Les versements volontaires déductibles restent plafonnés à 10% des revenus professionnels nets dans la limite de 34 937 € pour 2024. La nouveauté réside dans la possibilité offerte aux détenteurs d’un PER de transférer leur épargne vers un autre PER sans frais après 5 ans de détention, contre 5% de frais maximum auparavant.
La taxation des plus-values immobilières reste soumise au barème de l’impôt sur le revenu après application d’un abattement pour durée de détention (exonération totale après 22 ans pour l’impôt sur le revenu et 30 ans pour les prélèvements sociaux). La surtaxe sur les plus-values immobilières supérieures à 50 000 € est maintenue, avec un taux progressif de 2% à 6% selon le montant de la plus-value.
Ces évolutions de la fiscalité patrimoniale, bien que limitées, invitent les contribuables à réévaluer leurs stratégies de détention et de transmission de patrimoine. L’allègement du délai de rappel fiscal des donations constitue notamment une opportunité à saisir pour les transmissions familiales programmées.
Numérisation et simplification des obligations déclaratives
L’administration fiscale poursuit sa transformation numérique avec l’accélération de la dématérialisation des procédures déclaratives. Depuis 2023, tous les contribuables doivent obligatoirement déclarer leurs revenus par voie électronique, sauf s’ils peuvent justifier ne pas être en mesure de le faire (absence d’accès internet ou d’équipement adapté). Cette obligation s’étend progressivement à l’ensemble des démarches fiscales.
La déclaration automatique des revenus, mise en place en 2020, est élargie à de nouvelles catégories de contribuables. Ce dispositif permet aux foyers fiscaux dont la situation n’a pas changé et dont tous les revenus sont connus de l’administration de valider tacitement leur déclaration pré-remplie. En 2024, environ 12 millions de foyers fiscaux devraient bénéficier de cette simplification, contre 11 millions en 2023.
Le prélèvement à la source (PAS) entre dans sa sixième année d’application avec quelques ajustements techniques. La modulation à la baisse du taux de prélèvement est désormais possible dès que la baisse anticipée des revenus entraîne un écart de 5% entre l’impôt prélevé et l’impôt finalement dû, contre 10% auparavant. Cette mesure offre davantage de souplesse aux contribuables confrontés à une diminution de leurs revenus.
L’administration fiscale développe par ailleurs de nouveaux services numériques pour faciliter les démarches des usagers. Le service « Gérer mon prélèvement à la source » s’enrichit d’une fonctionnalité permettant de signaler un changement de situation familiale directement depuis l’espace particulier. La prise en compte de ces changements pour le calcul du taux de prélèvement est ainsi accélérée.
La facturation électronique entre professionnels devient progressivement obligatoire à partir de 2024, avec une généralisation prévue pour 2026. Bien que concernant principalement les entreprises, cette évolution impacte indirectement les particuliers exerçant une activité indépendante ou disposant du statut de micro-entrepreneur. Ces derniers devront s’adapter à ce nouveau mode de facturation dans leurs relations avec leurs clients professionnels.
Ces avancées dans la numérisation des procédures fiscales s’accompagnent d’un renforcement des contrôles automatisés. L’administration développe des algorithmes de détection des anomalies et incohérences dans les déclarations, permettant un ciblage plus précis des contrôles. Les contribuables doivent donc redoubler de vigilance dans l’exactitude de leurs déclarations, même lorsqu’elles sont pré-remplies.
Le tournant écologique de la fiscalité personnelle
La fiscalité se teinte progressivement de vert avec l’introduction ou le renforcement de mesures incitatives écologiques. Cette année marque une accélération de cette tendance, avec plusieurs dispositifs visant à orienter les comportements des contribuables vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
Le bonus écologique pour l’acquisition de véhicules électriques connaît une refonte significative. Son montant est désormais modulé en fonction du prix d’achat et de l’empreinte carbone du véhicule, intégrant l’impact environnemental de sa fabrication. Pour les ménages dont le revenu fiscal de référence par part est inférieur à 15 400 €, le bonus peut atteindre 7 000 €, contre 5 000 € pour les autres contribuables. Cette aide est réservée aux véhicules dont le prix d’achat n’excède pas 47 000 €.
Le dispositif MaPrimeRénov’ évolue pour favoriser les rénovations globales et performantes. Le montant de l’aide peut désormais atteindre 70 000 € pour les ménages aux revenus très modestes réalisant une rénovation permettant un gain énergétique d’au moins deux classes. Les travaux mono-gestes (changement de chaudière, isolation des combles…) restent éligibles mais avec des montants d’aide revus à la baisse pour privilégier les approches globales.
La taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale est maintenue et peut être majorée dans les zones tendues. Les communes situées en zone tendue peuvent appliquer une majoration comprise entre 5% et 60% de la cotisation de taxe d’habitation. Cette majoration vise à inciter les propriétaires à mettre leurs biens sur le marché locatif dans les secteurs où la demande de logements est forte.
Un crédit d’impôt temporaire est instauré pour l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques dans les copropriétés. Ce crédit, fixé à 75% des dépenses engagées dans la limite de 300 € par système de charge, est applicable aux dépenses payées entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2025. Cette mesure vise à lever l’un des freins majeurs à l’adoption des véhicules électriques en milieu urbain dense.
La fiscalité des véhicules poursuit sa transformation écologique avec un durcissement du malus écologique. Le seuil de déclenchement est abaissé à 118 g de CO2/km (contre 123 g en 2023), et le montant maximal du malus est porté à 60 000 € pour les véhicules émettant plus de 194 g de CO2/km. Par ailleurs, le malus au poids applicable aux véhicules de plus de 1,8 tonne est maintenu avec un tarif de 10 € par kilogramme excédentaire.
Ces évolutions fiscales vertes traduisent une volonté politique d’accélérer la transition écologique en mobilisant le levier fiscal. Elles constituent un signal fort adressé aux contribuables pour orienter leurs choix de consommation et d’investissement vers des options plus durables. Cette inflexion écologique de la fiscalité devrait se poursuivre et s’amplifier dans les années à venir, en cohérence avec les engagements climatiques de la France.
